Le Baiser de Gustav Klimt, artiste peintre

Gustav Klimt

Publié le : 31 mai 20184 mins de lecture

Avant de l’aborder sur cette toile, l’artiste peintre Klimt a traité le thème du Baiser dans une frise du palais Stoclet à Bruxelles. Il le transforme radicalement en décidant d’un fond d’or qui supprime toute illusion perspectiviste et enserre les corps auxquels n’est alloué que l’espace de leur étreinte, qui en paraît plus ardente encore. Que l’enlacement détermine le cadre même de sa représentation, c’est aussi ce que suggère la prairie parsemée de fleurs, qui s’interrompt à droite pour des raisons plastiques, et non réalistes, comme si elle n’avait d’autre fonction que de souligner la crispation des pieds de la femme.

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La couleur éclatante qui auréole les deux corps est l’occasion de déployer des motifs abstraits décoratifs  symboliquement distribués en trois zones. A la cape de l’homme sont alloués des rectangles dont la répartition, en bandes horizontales presque régulières, évoque à peine les plis du tissu. Au centre, les couleurs qui constellent la robe paraissent issues des fleurs du pré.
Quant à la doublure de la cape, elle fait écho, par ses cercles concentriques, au tissu de la robe : le plus intime mêle le masculin et le féminin.

Ce que l’on perçoit des personnages et de leur chair facture l’emphase décorative : visages, bras et mains sont traités avec une minutie figurative synonyme d’intense émotion et du refus de la moindre mièvrerie. Les yeux clos de la femme, la courbe délicate de son épaule dénudée, le soin apporté à préciser la position de chaque doigt, signalent un abandon total, l’imminence d’un plaisir dont l’anticipation visuelle est proposée dans la continuité établie entre la chevelure parsemée de fleurs, la doublure et les guirlandes de feuilles dorées qui descendent jusqu’au bas de la composition, bafouant une fois encore toute prétention réaliste.

Aucun éclairage sur ce Baiser, pas davantage d’allusions à un environnement convenu : la lumière provient des  corps eux-mêmes et de leurs vêtements, et l’espace qui les environne est vide. Mais le fond apparaît constellé d’un semis d’étincelles, sinon d’étoiles, qui indique combien l’univers entier est en connivence avec l’étreinte humaine. En inscrivant sur sa surface les preuves tangibles d’une sensualité qui se généralise, Klimt rompt avec ce qu’il y a trop souvent de décevant, ou même d’un peu graveleux, dans l’Eros modern style : il n’a nul besoin de dénuder les corps
et, loin de transformer le spectateur en voyeur indiscret, c’est en proposant un spectacle pudique, mais composé de fortes tensions entre les éléments plastiques qui le composent, qu’il suggère l’omniprésence du Désir.

Au moment où Freud affirme que la libido se symbolise par les voies les plus diverses dans le comportement  quotidien, Klimt en fournit la preuve visuelle : l’érotisme, dans le Baiser, investit de proche en proche, diffusant à  partir des visages, la totalité du champ pictural : chaque fleur, chaque motif décoratif lui doit un surplus de sens et de présence. Les contemporains sont également choqués par le fondateur de la psychanalyse et par l’artiste peintre. Pour ce qui nous concerne, la fascination a remplacé l’effroi, et Le Baiser est devenu l’un des emblèmes d’une modernité qui admet qu’explorer les secrets de l’amour est affaire, non de perversion, mais de connaissance.

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